Portrait de Dominique Stutz

Dominique Stutz fomente de nouvelles espèces. Cette pratique de soin, la fomentation, est réputée pour l’application attentionnée de surfaces sur des corps, jadis cataplasme sur la chair, aujourd’hui émail sur la terre. Toujours, elle touche. D’abord vient la forme de la pièce, générée plutôt que reproduite, après consultation de documentations scientifiques. De l’imagerie de l’infiniment petit, l’artiste retient la vie sexuelle cachée des fleurs dite palynologie, les particularités anatomiques des bestioles de grand fond marin, et surtout le potentiel vertigineux du Physarum polycephalum vulgairement appelé Blob. C’est ainsi que Dominique Stutz aborde ses bols sculpturaux. Autant d’inspections des règnes qui nourrissent le façonnage de contenances d’argile, devant parfois patienter des mois avant de trouver leur peau définitive. Anis, chartreuse, jade. Car un long processus de recherche d’émaux est à l’œuvre dans le laboratoire de la céramiste. Corail, tangerine, mandarine. Sa méthode est traditionnelle et protocolaire, impliquant calculs moléculaires, cuissons et recuisson d’échantillons jusqu’à obtention de l’effet visé. Azur, turquoise, outremer. C’est à ce moment que la masse trouve son épiderme. Cerise, écarlate, sang. Plus qu’une membrane de couleurs, il s’agit d’apporter volume, structure et matière pour contribuer à une impression générale de perpétuelle mutation. Fuchsia, guimauve, framboise. Les biologistes reconnaîtront des radiolaires ou des diatomées. Citron, soleil, acide. Les autres s’émerveilleront tout simplement. Lavande, orchidée, lilas. Depuis une décennie maintenant, dans une constante hybridation, Dominique Stutz caresse ce que ne fabrique pas d’elle-même, la nature.

Commandé par l’artiste pour son propre usage, avril 2023

Ode aux arts ménagers

L’exposition réveille le passé commercial de son écrin Art Nouveau, construit en 1899 en tant que magasin d’objets de commodité, afin d’accomplir le dessein du confort moderne. Vaisselle, luminaires et articles de ménage font partie des typologies d’objets qui guident un accrochage sur deux étages, porté par l’usage des choses. À commencer par un Moly shop hors-les-murs, boutique de céramique utilitaire de la résidence d’artistes Moly-Sabata (Sablons, 38) qui s’exporte au sein de l’événement. L’initiative résulte d’une prospection d’un an par les commissaires Alice Motard et Joël Riff parmi les artisans d’Alsace, afin d’en réunir neuf : Sophie Irwin, Le Palais du Corbeau et Alban Turquois de Strasbourg, Marianne Marić, T R et Giom Von Birgitta de Mulhouse, la Poterie Schmitter de Betschdorf (67), Camille Schpilberg de Freland (68) et Dominique Stutz de Roederen (68). Traditionnel grès au sel, terre modelée, faïence tournée ou porcelaine à la plaque sont servies sur un plateau. Plus loin, une colonne d’assiettes affiche différentes façons de réaliser le décor moucheté de Soufflenheim, selon les poteries Ludwig et Friedmann. Augmentée de nouvelles productions et de prêts d’artistes internationaux, l’aventure célèbre la décoration comme geste domestique de révolution, par l’intérieur.

Au Bonheur, jusqu’au 8 janvier 2023, CEAAC – Centre européen d’actions artistiques contemporaines, 7, rue de l’Abreuvoir, Strasbourg (67). Tél. : 03 88 25 69 70. https://ceaac.org

Publié dans la Revue de la Céramique et du Verre 247, Novembre – Décembre 2022

Au Bonheur

une exposition avec Julie Béna, Estelle Deschamp, Poterie Friedmann, Walter Gürtler, Sophie Irwin, La double clique, Le Palais du Corbeau, Poterie Ludwig, Marianne Marić, Alexandra Midal, Flora Moscovici, Françoise Saur, Poterie Schmitter, Camille Schpilberg, Dominique Stutz, T R, Alban Turquois, Nicholas Vargelis, Giom Von Birgitta ainsi que des objets patrimoniaux prêtés par la famille Neunreiter
en co-commissariat avec Alice Motard, directrice du centre d’art
du 1er octobre 2022 au 26 février 2023
au Ceaac à Strasbourg

L’exposition « Au Bonheur » prend appui sur le passé commercial du bâtiment Art nouveau abritant le centre d’art en se jouant des typologies d’objets en vente, du tout début du XXe siècle aux années 1960 dans cet ancien magasin de faïences, porcelaines, verreries, luminaires et articles de ménage. Les objets qu’elle rassemble témoignent de la manière dont l’idéologie peut s’inscrire dans la forme, et du pouvoir attribué à celles et ceux qui les fabriquent, les choisissent et les disposent. La décoration devient ici un vecteur d’autorité, de subversion et d’émancipation. Le projet est aussi l’occasion de proposer des céramiques utilitaires à la vente, dont la sélection découle d’une prospection de plusieurs mois dans des ateliers de potier·e·s en Alsace.

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